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Au Nigeria, le parcours du combattant des rares femmes candidates aux élections

Violence, manque de financement, patriarcat… Face aux nombreux obstacles, les femmes ne briguent que 9 % des sièges à l’Assemblée nationale le 25 février.

Le Monde avec AFP

Publié le 14 février 2023 à 13h17, modifié le 14 février 2023 à 13h17

Temps de Lecture 3 min.

Une supportrice du Labour Party lors d’un meeting de campagne à Lagos, le 11 février 2023.

Pour Tolulope Akande-Sadipe, briguer un second mandat de députée au Nigeria signifie mettre sa vie en danger, confie cette femme de 56 ans qui se présente aux élections législatives du 25 février dans le sud-ouest du pays. Le même jour, les Nigérians éliront également leurs sénateurs et leur prochain président – Muhmmadu Buhari se retirant après deux mandats, comme prévu par la Constitution. Le 11 mars, ils choisiront leurs gouverneurs et les députés des assemblées locales.

En 2019, lors des dernières élections, le bus de campagne de Mme Akande-Sadipe avait été détruit et ses attachés de presse agressés. Pour ce scrutin, elle dit avoir échappé de peu à une agression alors qu’elle faisait campagne face à cinq hommes pour les primaires de son parti. Au Nigeria, « la violence électorale est bien réelle et elle me vise davantage parce que je suis une femme », affirme à l’AFP la députée originaire de l’Etat d’Oyo. Selon elle, ses adversaires « pensent pouvoir l’intimider » parce qu’elle est une femme.

Le pays le plus peuplé d’Afrique, première économie du continent, compte de nombreuses femmes à des postes de direction dans le secteur privé et sur la scène internationale. Mais lorsqu’il s’agit de fonctions électives, elles sont sous-représentées et très souvent mises de côté. Dans la chambre basse actuelle siègent treize femmes parmi les 360 députés, plaçant ainsi le Nigeria au 184e rang sur 190 pays dans le monde, selon un classement de l’Union interparlementaire (UIP), basée à Genève. Et la situation ne semble guère s’améliorer.

Une seule candidate à la présidentielle

Le nombre de femmes qui se présentent aux élections de 2023 a diminué à presque tous les niveaux : les femmes ne briguent que 10 % des sièges aux assemblées locales, 9 % des sièges à l’Assemblée nationale, 8 % des sièges au Sénat et 6 % des postes de gouverneur. Une seule femme, Princess Chichi Ojei, est candidate à la présidentielle du 25 février, face à 17 hommes. Et elle est loin de faire partie des favoris que sont Bola Tinubu, du parti au pouvoir (APC), Atiku Abubakar, du principal parti d’opposition (PDP), et l’outsider Peter Obi, du parti travailliste (LP).

Et pourtant, les femmes ont joué un rôle majeur dans la construction politique du Nigeria, se mobilisant contre le pouvoir colonial puis durant les dictatures militaires, selon Chiedo Nwankwor, professeure à l’université américaine Johns-Hopkins. Mais « une fois que ces mouvements ont réussi, les femmes ont été mises de côté ». Le système culturel et religieux conservateur n’aide pas les femmes à s’imposer dans le paysage politique, selon Mercy Ette, chercheuse nigériane à l’université de Leeds, qui a étudié la représentation féminine dans le pays. « Même parmi les personnes très instruites, le patriarcat est très fort », renchérit la députée Akande-Sadipe.

Les obstacles sont immenses, mais cela n’empêche pas Khadijah Abdullahi Iya de vouloir devenir la prochaine gouverneure de l’Etat de Niger (centre), en proie aux violences de groupes criminels. Un poste qu’aucune femme n’a jamais occupé dans les 36 Etats qui composent la république fédérale. Mais selon cette femme de 48 ans, « les mentalités changent » car « les gens sont à un point de rupture et ils sentent que les femmes ont la compassion nécessaire, qu’elles peuvent guérir leurs maux ». L’insécurité est un enjeu crucial des élections de 2023, le pays étant en proie à des violences de djihadistes, criminels et séparatistes.

« Poser des fondations pour l’avenir »

Le financement des campagnes électorales est l’un des obstacles des candidates. « Les femmes n’ont souvent pas l’argent qui permet de se lancer et très peu d’hommes sont prêts à investir dans leur campagne », selon Mme Ette. L’année dernière, le Parlement, dominé par les hommes, a rejeté cinq projets de loi visant à faire progresser l’égalité des sexes et la représentation des femmes.

« Il y a très peu de volonté politique de changer le statu quo », déclare à l’AFP Ibijoke Faborode, qui dirige ElectHer, une plateforme qui soutient les jeunes candidates. Elle estime toutefois que « quelque chose a changé » avec le mouvement « EndSARS » de protestation contre les violences policières, qui avait éclaté fin 2020 avant d’être réprimé. Parmi les principaux leaders figuraient de jeunes femmes charismatiques (avocates, journalistes, etc.) regroupées au sein d’une « Coalition féministe ». Aucune n’est candidate, mais leur engagement a nourri l’espoir de beaucoup d’autres.

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Comme Juliet Isi Ikhayere, une avocate de 28 ans qui se présente comme députée. Lors d’un événement le mois dernier, elle a été traitée de « bambin » par un homme dans la foule. La dernière des remarques désobligeantes qu’elle a essuyées durant toute sa campagne. Mais si « les défis sont nombreux » et « si ce n’est pas pour maintenant », dit-elle, « il s’agit surtout de poser des fondations pour l’avenir ».

Le Monde avec AFP

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