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Présidentielle au Nigeria

Peter Obi, l'espoir de la jeunesse nigériane qui veut dynamiter les vieux partis

Dominée par deux grands partis depuis le retour à la démocratie en 1999, la vie politique nigériane est bousculée ces derniers mois par un troisième homme : Peter Obi, un richissime homme d'affaires à la tête d'un parti microscopique qui fait figure de challenger crédible à la veille de l'élection présidentielle du 25 février.

Peter Obi, le candidat du Parti travailliste, lors d'un meeting de campagne à Lagos, le 11 février 2023.
Peter Obi, le candidat du Parti travailliste, lors d'un meeting de campagne à Lagos, le 11 février 2023. © Pius Utomi Ekpei, AFP
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Il promet "de travailler dur" pour faire émerger "un nouveau Nigeria". Peter Obi entend bien jouer les trouble-fêtes lors de l'élection présidentielle du 25 février, face à deux septuagénaires et poids lourds de la vie politique issus des partis traditionnels : Atiku Abubakar, du Parti démocratique populaire (PDP) et Bola Ahmed Tinubu, du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC).

Avec son sourire franc, ses discours pragmatiques et rassembleurs – populistes, selon ses détracteurs–, cet homme d'affaires de 61 ans incarne l'espoir d'un renouveau auprès de la jeunesse du plus grand pays d'Afrique, où 60 % de la population a moins de 25 ans.

"Le gouvernement actuel est en difficulté et pour une partie de la jeunesse, des gens comme Atiku Abubakar et Bola Ahmed Tinubu font partie du problème. Peter Obi a 61 ans mais il est le plus jeune des candidats et apparaît comme un visage nouveau", explique Dele Babalola, chercheur à l’Université de Canterbury Christ Church, au Royaume-Uni.

Bénéficiant d'un soutien massif sur les réseaux sociaux, Peter Obi a réussi ces derniers mois à passer du statut de curiosité dans cette campagne entamée il y a cinq mois, à celui d'alternative crédible. Le candidat a également reçu l'appui de noms qui comptent au Nigeria : celui de l'ancien président Olusegun Obasanjo ou encore celui de l'écrivaine et militante féministe Chimamanda Ngozi Adichie.

Alors que le pays nage en plein marasme économique et sécuritaire, ses partisans, surnommés les "Obi-dients" (jeu de mot entre "obédience" et le nom de Peter Obi), voient en lui l'antidote à une classe politique vieillissante accusée de corruption et de mauvaise gouvernance.

Le multimillionnaire jouit en effet d'une image d'intégrité et de sobriété presque légendaire. Il n'aime ni les montres de luxe, ni le style de vie tape-à-l'œil propre à l'élite nigériane. "Mon fils a 30 ans et il n'a toujours pas de voiture. C'est à lui de s'acheter son propre véhicule", avait-il assuré lors d'un discours en mai 2022, sous les applaudissements de ses supporters.

La candidature de Peter Obi a commencé à émerger dans le sillage des grandes manifestations du mouvement #EndSARS en octobre 2020. Il avait alors largement soutenu les jeunes manifestants qui réclamaient la dissolution de cette unité anticorruption accusée de violences policières et de bénéficier d'une totale impunité.

>> À lire sur France 24 : #EndSARS : le cri de ralliement au Nigeria contre les violences policières et la répression

Le mouvement a ensuite multiplié les revendications contre la corruption et en faveur d'une plus grande justice sociale. Au Nigeria, si quelques richissimes hommes d'affaires profitent des revenus de la manne pétrolière, près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

Un "Macron nigérian" ?

Né en 1961 dans une famille chrétienne Igbo, le troisième groupe ethnique au Nigeria, le parcours de Peter Obi ressemble à celui d'une grande partie de l'élite économique du pays : un diplôme de philosophie, des cours de management à Lagos, Harvard ou encore à la London School of Economics, avant d'entamer une carrière dans les affaires et d'occuper des postes de direction dans plusieurs banques nigérianes.

Un ancien banquier qui entend briser un système bipartite qui domine le paysage politique depuis des décennies ? Il n'en fallait pas plus à la presse internationale pour dresser le parallèle entre Peter Obi et le parcours de l'actuel président français, Emmanuel Macron. Inconnu du grand public à sa nomination au ministère de l'Économie en 2014, Emmanuel Macron avait connu une ascension éclair et remporté seulement trois ans plus tard l'élection présidentielle.

À l'image du candidat Macron, Peter Obi, qui a pris la tête du Parti travailliste l'année dernière, une modeste formation qui ne compte aucun gouverneur au Nigeria, doit faire campagne sans le soutien d'une grande structure implantée au niveau national.

"Cependant, comparer Macron et Obi est une erreur", estime Ladipo Adamolekun, spécialiste nigérian de l'administration publique et grand francophile. "Macron a créé le parti 'En Marche' à un moment où les partis traditionnels étaient en déclin, ce qui n'est pas le cas de Peter Obi", souligne l'expert.

Contrairement à l'ancien ministre des Finances de François Hollande, Peter Obi est également loin d'être un novice en politique. Gouverneur de l'État d'Anambra de 2006 à 2014, il a été candidat de l'opposition (PDP, Parti démocratique du Peuple) à la vice-présidence lors de la dernière présidentielle de 2019. L'homme d'affaires a d'ailleurs changé quatre fois de formation politique depuis 2002, prêtant le flanc aux accusations d'opportunisme.

Ses contempteurs remettent aussi en cause sa probité depuis que son nom a été cité dans les Pandora Papers en 2021. Ses partisans soulignent au contraire sa gestion irréprochable de l'État d'Anambra. "Il a également laissé d’énormes économies dans les coffres de l’État à la fin de ses deux mandats de quatre ans", note BBC Afrique. Un argument massue alors que la première économie africaine est plombée par une dette abyssale.

"Le vote Igbo ne sera pas suffisant"

Si l'élan autour de la candidature de Peter Obi est bien réel, de nombreux analystes doutent cependant qu'ils puissent l'emporter, malgré des sondages flatteurs.

"Certains disent qu'Obi n'a pas de structure politique derrière lui mais qu'il a la jeunesse pour compenser, en particulier grâce aux réseaux sociaux. En réalité, la plupart de ces jeunes actifs sur internet vivent à l'étranger et n'ont pas de droit de vote au Nigeria", assure Dele Babalola. "Par ailleurs, les sondages ne pas aussi fiables en Afrique qu'ils le sont en Europe", ajoute le politologue.

Autre élément jouant en la défaveur de Peter Obi : la participation. Elle est souvent faible au Nigeria (33 % lors de la présidentielle de 2019, 44 % en 2015) et les jeunes ne sont généralement pas les électeurs les plus mobilisés le jour du scrutin.

Enfin, la question de l'ethnie, de la religion et de l'identité régionale joue un rôle central dans le choix des votants. "Le vote Igbo ne sera pas suffisant pour remporter l'élection", tranche Dele Babalola qui rappelle l'importance d'obtenir des voix dans le Nord, majoritairement musulman.

Quelle que soit l'issue du vote, celui qui remportera la prochaine élection présidentielle au Nigeria devra faire face à des défis immenses : une inflation qui dépasse les 20 %, des pénuries de carburant, un manque de cash lié à l'introduction mal préparée de nouveaux billets, une crise énergétique qui provoque des délestages fréquents...

Les finances publiques sont également en mauvaise posture. Comme le rappelle RFI, "la dette a aspiré 41 % du budget de l'État" en 2022 et la nouvelle dégradation de la note souveraine du pays par l'agence Moody's, intervenue fin janvier, ne devrait pas arranger les choses.

"Cependant, je doute que le nouveau président puisse mettre en place une bonne gouvernance en l'état actuel des choses", analyse Ladipo Adamolekun qui appelle à la mise en place d'un "système fédéral plus déconcentré".

"Le nouveau président devra accepter que les structures en place ne peuvent pas faire fonctionner le gouvernement", poursuit l'expert des politiques publiques. "La constitution de 1999 a trop favorisé la centralisation, notamment de la police, et cela joue beaucoup dans les problèmes de sécurité au Nigeria".

>> À voir sur France 24 : l’EI élargit sa zone d’activité et revendique l’attaque contre la prison de Kuje

Le dernier mandat du président Muhammadu Buhari a été marqué par une hausse de l'insécurité au Nigeria, liée à des conflits interethniques, à la présence de bandes criminelles et aux groupes terroristes. Selon les Nations unies, les violences jihadistes ont fait plus de 40 000 morts depuis 2009 dans le nord-est du pays et contraint quelque 2,2 millions de personnes à quitter leurs foyers.

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