« Biodiesel ». C’est le curieux nom allemand d’un carburant qui n’a rien de bio, mais qui est le plus souvent fabriqué à partir d’huile de colza ou de palme, afin d’être brûlé dans des moteurs thermiques. En 2021, outre-Rhin, 3,4 milliards de litres sont venus s’ajouter au diesel classique pour faire rouler les véhicules, ainsi que 1,5 milliard de tonnes de bioéthanol, produit à partir de céréales, de betteraves ou de maïs importés à 90 %. Depuis quelques semaines, ces carburants controversés depuis longtemps font l’objet d’un intense débat en Allemagne : doit-on réformer la réglementation les concernant afin de réserver les surfaces agricoles à l’alimentation, alors que les prix des denrées alimentaires sont au plus haut ?
Pour les écologistes, c’est une évidence. Ils considèrent les biocarburants issus des plantes destinées à l’alimentation ou au fourrage comme une erreur d’allocation des ressources. Au début des années 2000, ces biocarburants avaient pourtant été considérés, y compris par les Verts, comme une option d’avenir pour réduire l’empreinte carbone du transport routier, et diminuer la dépendance aux pays exportateurs de pétrole. Mais peu à peu, l’engouement pour ces carburants a fortement décliné et les critiques de leurs effets sur la biodiversité ont pris le dessus. En 2023, l’huile de palme ne pourra plus être ainsi utilisée dans ces carburants. La guerre en Ukraine, avec ses conséquences massives sur l’approvisionnement alimentaire, a accéléré le débat sur leur avenir.
Steffi Lemke, ministre écologiste de l’environnement, a ainsi tranché au mois de mai : « La nourriture doit être dans l’assiette et non dans le réservoir. » Même certifiés, estime-t-elle, les biocarburants peuvent contribuer indirectement au défrichement ou à l’utilisation intensive des sols. Leur bilan écologique est également remis en cause. Officiellement, 13 millions de tonnes de CO2 sont économisées chaque année en Allemagne grâce aux biocarburants. Mais c’est sans compter les effets indirects négatifs sur les écosystèmes tels que les marais ou les forêts, jugent certains experts.
Filière industrielle complexe
Soutenue par le ministre de l’agriculture, Cem Özdemir, également écologiste, Mme Lemke veut donc que la part des biocarburants issus des plantes destinées à l’alimentation ou au fourrage et mélangés au diesel et à l’essence soit réduite de près de 30 % en 2023, et qu’ils disparaissent totalement des réservoirs en 2030. Cela permettrait, précise son ministère, de réattribuer « 4,2 millions de tonnes de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux, soit 1,1 million d’hectares de terres cultivées en 2023 ».
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