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lutte de pouvoir

Derrière les violences au Soudan, un conflit "existentiel" entre deux chefs militaires

Le conflit meurtrier qui a éclaté, samedi, au Soudan, oppose deux alliés au pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019 : Abdel Fattah al-Burhane, chef de la junte, et Mohamed Hamdane Daglo, commandant d’un important groupe paramilitaire.

Le chef de l'armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane (G), et le commandant des forces paramilitaires de soutien rapide du Soudan, le général Mohamed Hamdane Daglo (Hemedti).
Le chef de l'armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane (G), et le commandant des forces paramilitaires de soutien rapide du Soudan, le général Mohamed Hamdane Daglo (Hemedti). © Ashraf Shazly, AFP
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Près d'une centaine de civils tués en 48 heures. Depuis samedi 15 avril, le Soudan est en proie à de violents affrontements entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR), une puissante milice affiliée au pouvoir.  

Ce conflit a exposé au grand jour la brouille entre le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de de la junte et de facto chef de l'État, et Mohamed Hamdane Daglo dit "Hemedti", son ancien allié désormais décidé à prendre le contrôle du pays par les armes.

Des tirs et explosions secouaient toujours Khartoum sans discontinuer, lundi matin, alors que le rapport de force entre les deux camps demeure incertain.  

Une alliance qui tourne au conflit armé 

Cette explosion de violence s’explique par l’effondrement de l’alliance militaire formée lors du coup d’État d’octobre 2021. Le général Burhane et le général Daglo avaient alors fait front commun pour évincer les civils du pouvoir.

Lors de la révolte populaire qui a renversé Omar el-Béchir en 2019, les combattants de Daglo ont été accusés d'avoir dispersé dans le sang les manifestants prodémocratie – faisant des dizaines de morts, selon les chiffres officiels.

Hemedti était depuis lors le numéro deux du pouvoir militaire. Mais la rivalité avec son chef, le général Burhane, a explosé le 15 avril. Peu après le début des affrontements, ce dernier a annoncé par communiqué avoir été "surpris à neuf heures du matin" par une attaque de son QG par les FSR, dénonçant une "trahison". 

De son côté, le commandant des Forces de soutien rapide a affirmé que les paramilitaires "ne s'arrêteront pas avant d'avoir pris le contrôle de l'ensemble des bases militaires", accusant son rival d’être un "criminel" qui a "détruit le pays".

Mohamed Hamdane Daglo, qui a été un rouage de la dictature militaro-islamiste du général Béchir, se pose désormais en parangon de l'État civil et en adversaire farouche de l'islam politique. Il s'aligne dorénavant sur les civils pour dénoncer l'armée et se réclamer des "acquis de la révolution" de 2019. Depuis des mois, il s'invite sur les réseaux sociaux, multipliant les comptes sur Facebook, Instagram ou même TikTok pour s'adresser aux plus jeunes – deux tiers des Soudanais ont moins de 30 ans.  

Contentieux sur le futur des paramilitaires 

Avant le putsch d’octobre 2021, les deux hommes officiaient déjà ensemble au sein du Conseil souverain, mis en place après la chute d’Omar el-Béchir en 2019 et dont Abdel Fattah al-Burhane était le président. 

Mais très vite, des tensions sont apparues entre ces deux figures du pouvoir autour du projet d’intégration des Forces de soutien rapide à l’armée régulière. Composées d'ex-miliciens de la guerre du Darfour, cette entité demeure indépendante du corps militaire bien qu’elle agisse comme supplétif. 

En juin 2021, Mohamed Hamdane Daglo s’était d'ailleurs exprimé contre l’intégration de ses Forces de soutien rapide. Il estimait qu'aborder le sujet "pourrait briser le pays", assumant publiquement son désaccord avec son chef, le général Burhane, favorable à ce projet. 

Compétition pour les ressources 

Le conflit armé qui a éclaté samedi entre les factions des deux hommes serait lié à leur incapacité à trouver un terrain d’entente. Alors que l’armée tient à imposer ses conditions d'admission et limiter dans le temps l’incorporation des FSR, le général Daglo réclame une inclusion large et, surtout, sa place au sein de l'état-major.

Pour Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS, ce conflit illustre la "compétition" autour du contrôle des ressources, dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, en proie à une crise économique qui s'aggrave.  

"Il y a d’un côté l’armée régulière, héritière du régime d’Omar el-Bechir, qui bénéficie d’avantages et, de l’autre, ces mercenaires originaires du Darfour, sans foi ni loi, qui ont réussi à mettre la main sur des ressources importantes du pays" souligne le chercheur, citant en exemple le trafic d’or et de migrants.

Dans ce contexte, "il y a un affrontement existentiel pour savoir qui des deux (Fattah al-Burhane ou de Mohamed Hamdane Daglo) va l’emporter". 

L’Égypte en médiateur ?

Le conflit armé au Soudan suscite de nombreuses réactions sur la scène internationale, certaines puissances redoutant un embrasement régional. Les États-Unis, la Russie, l'Arabie saoudite ainsi que les Nations unies et l'Union européenne ont appelé à la fin des hostilités. 

Dimanche, la Ligue arabe s’est réunie en urgence au Caire, à l'appel de l'Égypte et de l'Arabie saoudite, condamnant les violences et appelant à une "solution politique". 

Néanmoins, la proximité entre le dirigeant égyptien Sissi et l’armée soudanaise soulève des interrogations quant à sa capacité à mener une médiation dans ce conflit. 

"Les dirigeants égyptien et soudanais ont des profils assez similaires, ce sont tous les deux des militaires qui ont pris le pouvoir lors d‘un coup d'État durant des transitions démocratiques" souligne Edouard Dropsy, correspondant de France 24 au Caire. "Cela arrange bien Abdel Fattah al-Sissi d’avoir un militaire comme lui à sa frontière sud, d’autant que l’autre belligérant au Soudan, Mohamed Hamdane Daglo, est davantage soutenu par les Émirats arabes unis".

Samedi matin, une vidéo montrant une dizaine de soldats égyptiens sur une base militaire soudanaise, capturés par les Forces de soutien rapide, a circulé sur les réseaux sociaux. Selon le Caire, ces derniers étaient présents au Soudan dans le cadre du partenariat militaire entre les deux pays.

"Ils sont en sécurité et seront remis à l'Égypte", avait alors assuré Hemedti à Sky News Arabia, soucieux de dissiper toute tension éventuelle avec le Caire.

 

 

Avec AFP et Reuters

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